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Peter Jackson, héraut du soft power néo-zélandais

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À l’occasion de la sortie du dernier film de la trilogie Le Hobbit de Peter Jackson le mercredi 10 décembre 2014, intéressons-nous aux liens entre l’œuvre cinématographique du réalisateur néo-zélandais et la composante intangible de la puissance des nations : le soft power. Cet archipel océanien de l’hémisphère sud, aux antipodes de l’Europe, est longtemps resté dans l’ombre. Célèbre pour son équipe de rugby légendaire – les All Blacks – la Nouvelle-Zélande demeure méconnue dans la majeure partie du monde. Dotée d’une minuscule puissance militaire et d’une population réduite (4,5 millions d’habitants), le « pays du long nuage blanc » semble avoir misé sur le cinéma pour briller dans le firmament des (desti)nations les plus attractives.

Le tampon néo-zélandais destiné au passeport des touristes associe ostensiblement la Nouvelle-Zélande à la Terre du Milieu
Le tampon néo-zélandais destiné au passeport des touristes associe ostensiblement la Nouvelle-Zélande à la Terre du Milieu

La Nouvelle-Zélande possède un des territoires les plus tardivement habités, appropriés et socialisés (XIIIe siècle) de la planète. Avec une densité d’environ 16 habitants au km2, le pays est marqué par une faible empreinte humaine. Ces deux facteurs expliquent en partie l’impression de virginité des paysages néo-zélandais exceptionnellement diversifiés et concentrés sur un espace restreint. Ils sont depuis plusieurs années considérés comme une véritable ressource stratégique pour l’économie de l’État océanien. Conscientes du potentiel d’attraction de l’archipel, les autorités néo-zélandaises ont décidé de décupler le tourisme vert traditionnel du pays en l’associant systématiquement aux blockbusters de Peter Jackson, exportés dans le monde entier.

Partez en Nouvelle-Zélande et découvrez la Terre du Milieu

C’est à peu près le message envoyé partout dans le monde par l’agence gouvernementale Tourism New Zealand grâce à sa campagne de promotion intitulée « 100 % Middle-Earth, 100 % Pure New Zealand ». Ici, le tourisme de découverte et le tourisme cinématographique s’entremêlent pour former l’idée que la Terre du Milieu, lieu imaginaire et féérique, trouve naturellement sa place en Nouvelle-Zélande. Cette opération de « nation branding » est soutenue par la compagnie aérienne Air New Zealand qui monte des campagnes publicitaires complètement imprégnées de la Terre du Milieu, incluant des acteurs comme Elijah Wood et Peter Jackson en personne. La visite des lieux de tournage, à l’image de la Comté reconstituée dans le parc Hobbiton, résulte d’une double stratégie de sanctuarisation et de magnification du territoire néo-zélandais, rendu mythique par le septième art. Une opération de séduction payante car depuis 2001, date de sortie de La Communauté de l’Anneau, le tourisme en Nouvelle-Zélande a augmenté de 67 %.

Le réalisateur Peter Jackson est le catalyseur de cette réussite tant à l’échelle locale, que nationale et mondiale. Avec l’établissement d’une filière cinématographique de pointe en Nouvelle-Zélande, bâtie autour des studios Weta Workshop et Weta Digital, le réalisateur dynamise l’emploi et l’économie locale autour d’un pôle d’innovation technologique : motion-capture, logiciel MASSIVE. Surtout grâce au tournage du Seigneur des Anneaux, Peter Jackson a su réunir 3 conditions primordiales afin d’attirer les investissements étrangers : un système de subventions des productions filmiques réactivé, des démarches administratives simplifiées et une politique fiscale avantageuse (Large Budget Screen Grant). La Nouvelle-Zélande est ainsi devenue le nouvel eldorado pour Hollywood. Ce tropisme néo-zélandais a favorisé le tournage dans l’archipel de films à gros budget comme Le dernier Samouraï, Avatar, Le Monde de Narnia ou X-Men Origins : Wolverine en Nouvelle-Zélande.

Les films de Peter Jackson engendrent des retombées positives dans quatre domaines connectés : l’économie locale, le tourisme, l’industrie du film et le soft power de l’État néo-zélandais qui bonifie son image et sa réputation sur la scène internationale. Surtout, ce succès s’explique par la construction d’un complexe touristico-cinématographique inédit intégrant des offices gouvernementaux, la compagnie aérienne nationale et le fleuron de l’industrie filmique locale : Investment New Zealand, Film New Zealand, Tourism New Zealand, Air New Zealand et les studios de Peter Jackson. Assurément une réussite touristique, économique et politique, savamment construite autour d’un espace géographique merveilleux : la Terre du Milieu, une création imaginaire d’un ancien professeur d’Oxford, un certain John Ronald Reuel Tolkien, qui n’avait jamais mis les pieds… en Nouvelle-Zélande.

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Rémy SABATHIE

Secrétaire général et rédacteur géopolitique pour Les Yeux du Monde, Rémy Sabathié est analyste en stratégie internationale et en cybercriminalité. Il est diplômé de géopolitique, de géoéconomie et d’intelligence stratégique.

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